Utah 2015

10 ans. Oui, bien 10 ans que je rêve devant les photos de ces fissures parfaites dans un rocher rouge-orangé lisse comme du ciment. Magazine, topo, livre, blog… tous les supports imagés possible n’ont fait que grandir mon intérêt, ma curiosité et ont contribués à la créations du mythe: Celui du spot ultime, de l’endroit unique, loin et intouchable.
D’année en année, les projets se repoussent, les opportunités manques… où peut-être était-ce autre chose ? Ces fissures du désert, parfaites et rectilignes ont une réputation, celle de ne pas se laisser grimper facilement !

Mais cette année, il fallait se rendre à l’évidence: Une disponibilité envisageable avec le travail, un plan de cordé proposé par Caro qui se rendait aux U.S, mon bras cassé l’année dernière qui me permet maintenant de grimper à peu près convenablement...

Hey dude, t’as bientôt 30 piges et t’as jamais grimpé à Indian Creek ?? 
Vie tes rêves mec !

Un billet d’avion à 800 balles Paris/San Fransisco m’ouvre la porte de 17 jours de trip dans l’ouest. Je passe prendre Caro chez ses potes, elle est arrivée plus tôt dans la matinée, et on roule direction Moab, en Utah. 1650km, on va se permettre de couper le trajet en deux.

Red rocks - Las Vegas, Nevada

La route passe par Las Vegas, autrement dit, la route passe à 20 minutes d’un spot majeur d’escalade américain: Red Rock Canyon, un canyon de grès rouge à 20km à l’ouest de la ville du vice. On opte pour un arrêt là-bas, conciliant l’utile à l’agréable pour sortir les chaussons et se dégourdir après tant d’heure d’avion et de voiture. Nous arrivons au petit matin et découvrons le terrain de jeux… grandiose.


On a pas de topo et on souhaite consacrer seulement une demi journée à la grimpe pour continuer notre trajet en direction de l’Utah. Sur internet je glane quelques infos sur une voie classique: « Dark Shadow ». Classique car d’un niveau accessible en 5.9 (5c) et à priori très esthétique. Avec le jetlag et pour se familiariser avec le style local ça sera parfait. 
Red Rock se trouve dans la Red Rock Canyon National Conservation Area, ce qui veut dire rangers, entrée payante, règlement merdique, pas de camping possible etc. Après une boucle dans la scenic road en quête du bon parking on fait nos premiers pas dans le désert en direction de Pine Creek Canyon pour trouver l’attaque de la voie.
Au pied nous ne somme pas déçu, 4 belles longueurs nous attendent dans un dièdre majeur qui raye la paroi. Comme partout aux States, l’escalade se fait sur coinceurs (quoi d’autre?). Les plaquettes font leurs apparitions -parfois- dans les dalles, et  aux relais. Le style qu’on aime quoi. 4 longueurs bien vertical sur un rocher dément, premier kiff du séjour.
En haut de la 4ème longueur, on s'échappe du dièdre par une fissure
Sur le retour, je marche la tête en l’air, le potentiel du lieux me stimule les neurones. On passe à Vegas dans un shop de grimpe pour investir dans quelques coinceurs en prévision d’Indian Creek, car je sais qu’on sera juste, et j’en profite pour acheter le topo de Red Rock « pour une prochaine fois ».

Indian Creek - Moab, Utah

Le lendemain matin, on y est presque ! Et déjà, j’en prend plein les yeux. Les paysages autour de Moab sont surprenants, je crois que je ne m’attendais pas à ça. En fait, je ne sais pas à quoi je m’attendais. J’ai beau avoir passé des heures et des heures sur les photos et les vidéos du coin… rien de tout ça ne m’a en fait préparé à la réalité. Simplement parce que ce n’était pas la réalité.
Peu après Moab, en direction d'IC
A l’arrivée à Indian Creek, nous sommes un peu perdu… c’est si grand, il y a des falaises partout ! Ne sachant pas par quoi commencer on choisi un secteur au hasard, « Réservoir Wall » et on se lance dans l’approche de notre première "Indian Creek experience »…

Quand le rêve devient réalité, en vérité, ça pique les mains, ça brûle les pieds, ça tire le dos ! Mais quel plaisir, les lignes sont démentes. Je m’essaie tout de suite à un bon testpiece « Pente » . Un beau moment d’humilité !
A Indian creek, la difficulté est corrélée à la taille des fissures, et la taille de tes paluches. Certaines fissures seront faciles pour certain(e)s et super dur pour d’autres, et inversement !
Bon globalement, les fissures de 2 Inch, c’est la taille des coincements de main, c’est 5.10 (6a) et ça peut importe le dévers où la longueur. 3/4 inch c’est la taille des poings et des grosses mains, pour moi c’est plutôt bon. Le 1 Inch, souvent en 5.11 c’est « Thin hands » comprenez mains fines, pour moi, c’est la pénitence ! Et Pente, justement, c’est taille 1. DUR !
Pent 5.11- ... 
Du coup on se met vite à choisir les lignes en fonction de la taille du matos à emmener !

2 jours de grimpe et la météo annonce une tempête de neige pour la fin d’après midi et la nuit. On décide donc d’arrêter de grimper juste avant le mauvais et de filer visiter un parc national le lendemain pour laisser une journée au grès fragile d’IC de sécher, et accessoirement de refaire un peu le plein d’énergie.

Arches National Park - Moab, Utah.

Le soleil se lève lorsque nous arrivons à Arches National Park, et on se dit qu’on a vraiment eu une bonne idée. Avec la neige, le temps magnifique et le paysage saturé de couleurs et de formes, on ne sait plus ou regarder...



Alors évidement, on y vient pour admirer les arches naturelles, l’érosion des strates de grès par l’eau, le vent et le temps… beaucoup de temps…


Mais plus généralement, les sentiers cheminent dans un paysage qui capte tout autant l’attention.


Retour à Indian Creek

C’est sec ! Et on est prêt à se la coller bien correct, comme on est pas payé à l’heure il faut rentabiliser les journées, et cocher un maximum de voie « à vue ».
Un ricain dans Generic Crack

Aux pieds des voies, au campground, nous faisons connaissance avec la tribu. Américains, of course, suisses (coucou Val et Flo!), des polonais, des espagnoles, des français, des canadiens, des français etc. La worldwide community des grimpeurs de fissure en pèlerinage en terre sainte. L’ambiance est décontracté, peu importe le niveau ça encourage, on se prête les friends, se conseil les voies...
No Name Crack

Des lignes de fissures sans fin...
Parmi les voies les plus connues du monde, il y a «  Supercrack » . Une voie qui a contribué à la naissance du mythe Indian Creek. Un grand merci à Valentin pour la proposition de shooting lors de mon ascension de cette voie majeur. Ca fait un beau souvenir !


Au fil des jours, on prend de l’assurance, je progresse dans les thin hands, Caro progresse dans les fissures larges, on se permet de monter un peu dans les cotations. Rien d’extrême mais les quelques 5.11 cochés apportent la satisfaction de la progression et du challenge relevé.
A IC, c’est comme au Yosemite, le 5.10- vaut 5.10a , 5.10 = 5.10b/c et 5.10+=5.10d et ainsi de suite pour chaque niveau.
Donc au premier abord, les cotes peuvent paraître sévères, puis on s’habitue. Ca contribue à la légende !
Le week-end annonce une grosse influence, nous décidons de nous éloigner un peu pour grimper une voie majeur sur une desert tower: Lightning Bolt Crack à North Six Shooter. 1h40 d’approche (et oui, nous n’avons pas de 4x4) pour une belle balade vertical riche en fissures de toutes tailles: à doigts, à main, à poing, des surplombs, et même un Squeeze ! (comprenez fissure où on rentre complètement à l’intérieur, mais trop étroite pour pouvoir bouger sereinement à en quitter son casque: Angoisse et agonie au rendez-vous). 
Marche d'approche
Dans le début de la 2ème pitch

Caro traverse après le surplomb à poing de la seconde longueur
En haut, quel bonheur. La satisfaction de l’escalade, la beauté du paysage, la solitude du sommet.


1 semaine déjà, et une tempête est annoncée pour lundi, nous quittons non sans regret le canyon et projetons de nous rendre sur notre deuxième objectif du trip: Zion (à prononcer comme Bob Marley). Sur la route, nous profitons de la journée de mauvais temps pour passer entre les précipitations et découvrons quelques particularités géologiques du coin:

Horse Shoe: et au fond coulait le Colorado…
On se réveil sur un parking qui ne paye pas de mine, l’endroit est quelconque à coté d’une ville, une centrale au loin, mais caro me dit: « Tu dois voir ça ! » … alors on va voir ça.
Et on a vu ça :)
Balade à Bryce Canyon
Juste après la tempête de neige, contraste de couleurs saisissants lors de notre visite à Bryce Canyon



Zion National Park - Utah

Le lendemain (mardi donc) on se réveille sur un parking à Zion. Outch, c’est grand et c’est beau ! Comme il a neigé et plu la veille où l’avant veille, on ne sait pas trop, on commence par une petite prise de hauteur sur une rando classique: Angel’s Landing. Evidemment, c’est encore plus beau vu d’en haut !


L’après midi, on se décide à aller toucher du cailloux, pour voir ce que ça donne. On se dirige vers « Headache » , une voie de 3 longueurs à proximité de la route. Une voie qui a bonne réputation et qui, si ce n’est pas sec, ne nous coûte pas trop d’approche !
Le rocher semble sec, enfin, c’est difficile à dire, il est si froid ! Depuis le matin on se caille les miches le vent est frais, le soleil un peu absent dans ces canyons encaissés, grimpe au sud sinon rien ! Et nous, on était pas vraiment au sud !
La voie est superbe, 3 grandes longueurs de splitters, improbable.



Mais bon, honnêtement, on en a un peu marre d’avoir froid… entre Indian Creek et Zion, les nuit entre -5° et -10° sont coutumes et on se langui d’un peu de chaleur, d’autant qu’a cette période les journées sont courtes. Le soir on craque et on décide de plier bagage, le topo de reck Rock nous fait de l’oeil, on ne résiste pas…

Red Rocks - Episode II

10° de gagnés, une nuit en hôtel, un buffet géant nous voilà carrément boosté. Sur les conseils de Valentin nous partons dans le Black Velvet Canyon pour grimper une voie 3 étoiles: Nightcrawler. 5 longueurs et un dièdre d’anthologie nous occupe notre première journée sur place.



Le soir on se rend au campground, à la sortie du parc, mais il est blindé. Tout les grimpeurs y dorment, c’est le seul et il est prit d’assaut. Du coup on va se trouver un parking tranquille où nous dormirons jusqu’a la fin du trip. 
Le lendemain, sur les conseil d’américains croisés la veille nous prenons la direction de Pine Creek pour grimper « Triassic Sand », 3 étoiles du topo… Encore une voie splendide ! Le rocher est étonnant, avec cette grande ligne de fissure et des prises partout. Même les voie en dalle font envie !


Pour compléter la journée on se dirige vers « Our father » juste à coté. C’est un niveau au dessus, dalles run out (comprenez peu protégées) et dièdre physique à doigt au programme.
Le dernier jour, on se décide pour « Adventure Punks » une voie un peu psycho j’ai trouvé. Belle mais un peu mentale. Ca commence par un run out avant de rejoindre une belle ligne d’écaille qui sonne bien dans les aigus ! Ensuite la ligne remonte un long dièdre, où il faut savoir protéger à plusieurs endroits. Je ne sais pas si c’est la fatigue où autre mais j’ai un peu subit la voie psychologiquement… bref, ça reste une magnifique ligne, pas donnée. On s’arrête avant la dernière longueur off width car on a pas les gros coinceurs nécessaires, je vois bien une plaquette au début mais j’ai trop laché de jus dans les longueurs d'avant pour me lancer dans un dernier combat terreur.
Nous voulions grimper une autre voie ensuite mais nos pieds n’en peuvent plus, nos doigts saignent et nos têtes disent stop !


Sur 2 semaines de grimpe nous aurons seulement pris 2 jours de recup’ ce qui fait assez peu par rapport à l’exigence physique de l’escalade en fissure !
Nous reprenons la route pour le dernier jour du voyage, et en profitons pour planifier un dernier arrêt, histoire de rentabiliser au max le séjour.

Sequoia National Park - Californie

Dernier jour, nous arrivons au petit matin pour passer une journée dans la foret des géants. J’ai souvent vu des photos de ces arbres millénaires, démesurément gros, et je suis très pressé à l’idée de me sentir tout petit à leurs pieds ! 
Le gigantisme est à la hauteur de mes espérances. Des arbres âgés de 4000 à 6000 ans, qui résistent aux tempêtes, aux incendies, aux sécheresses… La force de la nature.


Retour mouvementé, j'embrasse le tarmac à Dublin, le pire vol de ma vie. Des grains de sable dans les yeux, j'espère retourner très vite en Utah... j'ai trouvé un nouveau topo !!