Petit Badon - Touffe pas au bloc

En alpinisme hivernal il y a forcément un moment ou je me demande ce que je fout là. 

Pourquoi je suis pas allé faire un tour de vélo ou mieux, du ski de rando. Les goulottes l'été et surtout en automne, je les idéalise en faite: Des traits de glace parfaits, juste ce qu'il faut en placage, en neige couic et la bonne fissure au bon endroit pour placer une protection. Et pourquoi pas une broche même, mais oui, les petites jaunes toutes mignonnes qui coûtent une blinde !

IRL avant même d'avoir commencer, ça ne manque pas de me rappeler le plaisir de faire la trace chargé comme un canasson. En finesse, tracé artistique genre droit dedans direction l'attaque. Pour peu qu'il y ait une autre cordée à l'approche et là... ah ah. 

Ensuite tu constates: Bon, c'est pas très bien fourni. Ca passe à ton avis ?

Ensuite tu te rappelles : A put*** de spindrift

Ensuite tu pleurs: ce petit onglet qui te fait débiter plus d'injures que ton vocabulaire n'en connais.

Ensuite tu fais de beaux relais: "Qui ont l'air de tenir" avec ce piton a grand papy 

Ensuite tu (re)constate ce cycle infernale qui va rythmé ta journée: J'ai froid + Je m'emmerde "qu'est ce qu'il fout" / Je transpire et j'ai peur "qu'est ce que je fous".

Ensuite t'as peur donc. La dernière protection elle est loin et ce putain de réta il a pas de pied bordel !!

Ensuite t'arrive au sommet ou en haut, mais bref tu pense qu'a te casser d'ici et tu tombe forcément sur le happy ending: les relais de descente. Constante: Clous rouillés, cordes délavées par paquet de 20 à chaque rappel. Toi t'as ton couteau, t'as un beau bout de corde dans le sac exprès pour... mais non, pas moyen d'enlever se foutu sac à dos et de perdre 2 minutes. Alors tu te pend dessus progressivement, deux petits à coup, "c'est bon ca tient".

Ensuite tu rentre chez toi, et t'oublie.

Pourquoi je raconte ça moi ?

Ah oui, "Touffe pas au bloc", donc. En trêve automnale depuis les aiguilles d'Arve début septembre, l'envie de bouger se fait sentir. Je décide donc que les conditions en montagne sont bonnes pour du mixte Beldonnien (un point c'est tout). Rémy étant dans le même cas voir pire, il accepte avec méconnaissance une petite visite au Badon. Ahah. 

5h20 départ du parking, 6h45 passage au refuge de Combe Madame. Etant un poil trop tôt on attend que le jour se lève pour se repérer un peu histoire de pas buter dès l'approche. 1h15 de traçage à mi-cuisse plus tard on est prêt pour gouter au Badon. 
Au menu: beaucoup de neige et de rocher, un zest de terre gelée. De la glace ? On touche avec les yeux, c'est rare et fragile.
Le début met bien dans l'ambiance car c'est assez compact et peu rempli. Les ressauts sont bien longs et ne se protègent pas des masses.

A l'entrée du goulet ca s'améliore car plus fracturé et c'est bien sympa, la ligne offre une belle ambiance encaissée agrémentée de spindrift et d'une belle grimpe ! L4 est une superbe longueur de mixte.


Les pentes de neiges sont longues à traverser on brasse, nous sommes lent et au relais c'est l'hypothermie.

La jonction entre le deuxième et troisième névé et beaucoup plus difficile qu'annoncé. Il n'y a pas une longueur qui ne grimpe pas avec du M5. Atteindre le dièdre incliné a droite est sport et dans celui ci il faut encore s'employer.
On vient finalement buter sous l'arête. Pas bien compris l'itinéraire pour la dernière longueur, on décide de sortir par une très belle fissure à main bien protégeable (5b?). Au moment de sortir du mur j'essaie d'attraper mon piolet coincé dans ma bretelle de sac à dos, les doigts complètement engourdis par le froid et la grimpe il m'échappe des mains et termine pas loin de Rémy... Je suis content de voir qu'il n'est pas perdu mais ca me met un bon taquet alors que j'étais pas en super posture. Je m'en sort avec 1 seul piolet pour me rétablir et rejoindre le sommet, mais belle leçon.


15h30 au sommet, 16h20 retour en bas avec quelques rappels et désescalade du couloir N-E qui manque encore un peu de remplissage pour se desescalader complètement.
Arrivé à la voiture a 18h15.
En conclusion une voie qui dans ces conditions vaut largement la cotation de TD, classe dans le bas, toujours grimpante.