USA #2: California love ?
Yosemite
L'arnaque ! Le Yosemite, voilà un endroit qui ne manque pas de contraste. Je m'imaginais Camp 4, repère de grimpeur au milieu des sapins géants et des murailles de granite. Je m'imaginais les ours faisants la loi dans une vallée sauvage, les cerfs gardiens des prairies... Utopie, le seul prédateur du Yosemite, c'est l'Homme, celui de la pire espèce: Le touriste. Peu importe nos motivations, notre "classe sociale", notre look de grimpeur, de randonneur, de citadin ou de rien-du-tout on est tous des touristes. On peut essayer de faire illusion, de se définir comme baroudeur, voyageur, aventurier, la vérité c'est qu'on est tous des touristes. Il parait qu'on est tous le con de quelqu'un, acceptons également d'en être le touriste. Et qu'est ce qu'on fait quand il y a pleins de touristes au même endroit ? On aménage, le touriste consomme.
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| On dirait la Maurienne |
On ne le voit pas sur les photos Instagram, on ne le voit pas sur les films d'escalade, mais Yosemite, son fond de vallée pour être précis, c'est d'abord une ville. La circulation est à filer des cauchemars à un jeune conducteur: Sens interdits, sens unique, circulation un coup à droite, un coup à gauche, stop à foisons, demi-tour interdit, demi-tour obligatoire. Tu loupes ton parking ? T'es bon pour un tour gratuit. Attention passage piéton, attention passage d'ours. Qui dit route dit bagnoles, avec ses fières représentants, du pot d'échappement trafiqué au dérappage sur le parking. Des hotels, des lodges, des campgrounds: Faut caser tout le monde. Des restaurants, snacks, cafés, magasins: Faut nourrir tout le monde. Des chiottes partout, retour à l'envoyeur. Des travaux: Bip-bip les camions qui reculs, les bennes qui se décharges, des pelleteuses qui chargent. En deux mots: La ville.
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| Combinaison classique Serenity Crack + Son of yesterday (5.10d) |
Jusqu'au troisième jours voilà ce que je voyais du Yosemite. Et puis le quatrième, j'ai pris mon vélo et je suis allé me balader sur les chemins, sans Fernand ni Firmin. C'était beau. J'entendais moins les voitures et je ne croisais personne. Je suis passé au pied d'El Capitan, le soleil déclinait doucement apportant avec lui les lumières de fin de journée. J'ai levé la tête, j'ai eu un rire un peu nerveux et puis les larmes me sont montées aux yeux, vraiment. J'étais au pied du géant et c'était encore plus beau et plus impressionnant que ce que j'imaginais.
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| Dernières lueurs sur El Cap |
Ce caillou est un aimant. Où que l'on soit en train de grimper dans la vallée, on le regarde. Une tour de Babel ou toutes les langues du monde se mélangent, objectif d'une vie pour certains, routine quotidienne pour d'autres. Cinq jours d'ascension pour certains, moins de 2h30 pour d'autres. A chacun son El Cap.
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| Central pillar of frenzy (5.9), rocher sublime |
Je veux en être. Moi aussi je veux toucher ce cailloux parfait, essayer de grimper ces longueurs d'exceptions. Moi aussi je veux voir les sapins tout petit sous mes pieds, dormir tout là-haut ou les lumières des lampes frontales se confondent avec celles des étoiles. De toutes les destinations que nous avons prévu de visiter pendant notre voyage, le Yosemite est l'endroit où j'avais le moins d'objectifs. Les bruits de couloirs sont de nature à décourager le grimpeur prudent. Cotations difficiles, rocher lisse, longueurs expo, passages en escalade artificielle, logistique big wall et descentes aventureuses contribuent au mythe du Yos et amène à penser à deux fois avant de s'engager dans tel ou tel itinéraire en jugeant seulement les cotations sur un topo.
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| Tour de pendule au Mt Sentinel Rock, voie Chouinard-Herbert (5.11c) |
On a commencé par les classiques "faciles" pour voir ce que ca donnait, on a gouté aux voies historiques pour se mettre dans l'ambiance. Ouai, c'est dur. Les cotations sont bien sèches dans certains types d'escalade et certains niveaux. Les descentes peuvent êtres longues, il faut chercher. Mais ça permet de démystifier un peu les choses, et de s'autoriser à rêver un peu. La prise de hauteur nous fait oublier la vie du village, nous offre les perspectives des hautes vallées. Le Half-Dome à la journée, ça peut être un bon début. Plus proche de ce qu'on connait dans les Alpes. Grimper les premières longueurs de Freerider sur El Capitan permettrait d'aller voir ce que ça donne également.
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| La 6ème longueur off-width en 5.10 du Rostrum (5.11c) |
Mais les rêveries sont vites stoppées, le temps vire au mauvais pour une période assez longue. Chanceux jusqu'à présent avec la météo, avons nous passé trop de temps en Oregon ? Nous sommes mi-novembre, une quantité de neige importante est annoncée. Le col Tioga permettant de traverser la Sierra et de rejoindre Bishop et ses environs va peut-être fermer pour l'hiver, la migration des grimpeurs est impressionnante, le campground se vide. Venant à peine d'arriver, nous choisissons de rester avec de gros doutes sur les jours qui arrivent. Peut être que ça ne sera pas aussi mauvais que prévu ? Peut-être que ça sèche vite ?
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| Mt Sentinel Rock |
Après seulement deux jours de pluie non-stop nous sommes battus. L'attente est longue, le futur peu encourageant: Coup de froid, neige et pas de créneau de beau significatif dans les dix jours, nous décidons de partir au seul endroit de l'ouest des U.S ou le soleil affiche un peu de résistance, le sud de la Californie.
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| la pureté de Mr Natural (5.10+) |
L'humeur à notre départ est à l'image du temps, triste. J'ai le sentiment de passer à coté de quelque chose, de laisser passer une opportunité. Au moment de sortir du parc, un clin d'oeil du soleil me réchauffe le coeur: Nous avons la chance d'observer longuement un ours et profitons ensuite de trois petites heures d'escalade sur les magnifiques fissures de Cookie Cliff. Comme un petit cadeau, un appel à revenir.
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| Répéré ! |
Joshua Tree
Des grands murs aux petits tas de cailloux, à l'échelle du Yosemite les rochers du parc national de Joshua Tree s'apparentent à des cairns. Pourtant, les mêmes grands noms de l'escalade états-uniens s'y sont distingués dans des voies exigeantes, souvent engagées, et rapidement répétées en solo. Petits rochers mais grands caractères pourrait on dire.
Etant un parc national à seulement 3h de Los Angeles, c'est un endroit avec une importante fréquentation mais qui se limite essentiellement aux abords de la route. Pour peu qu'on s'écarte un peu des chemins populaires ou des secteurs de grimpe "roadside" il règne en ce lieu une tranquillité propre au désert. Les Yukas, arbres de Joshua ou cactus habillent le paysage de sable et de granite, les formes des rochers apportants au paysage une variété relative.
L'escalade à Josh n'est pas dans la quantité, il faut souvent du temps pour trouver le bon rocher, faire son chemin dans les blocs. Les rochers comportent parfois plusieurs voies mais c'est généralement une ligne majeure qui suscite l'intérêt et qui vaut le déplacement. Si la voie n'a pas de relais au sommet, ce qui est majoritairement le cas, il faut trouver comment monter au sommet en passant d'un bloc à l'autre, confectionner un relais sur coinceurs en prévision de l'escalade et démonter le tout une fois la voie réalisée. Ca occupe !
Ca occupe mais il faut le faire, et nous en avons malheureusement fait l'expérience. Une fin de journée de grimpe, la nuit tombée, nous laissons en prévisions du lendemain notre corde et nos deux relais confectionnés en place, de manière à gagner du temps pour s'échauffer et essayer d'enchainer une voie. L'erreur ! A notre arrivée matinale, la corde était soigneusement rangée dans son sac au pied de la voie, quand aux deux relais: disparus. En bon chefs de famille nombreuse nous n'avions pas rigolé sur la sécurité, deux relais à trois protections, c'est donc six coinceurs qui nous ont été volé pendant la nuit, évidemment avec sangles, mousquetons à vis etc. Pas loin de 500$ de matos. Après divers échanges avec des grimpeurs du coins sur place, sur des groupes Facebook, ou forum, c'est une pratique très courante. Ils appels ça le "booty" (butin de pirate).
Tout ce qui est laissé est bon à prendre, valable pour les sacs, les dégaines ou quoi que ce soit qui resterait sur place sans son propriétaire. Tous les grimpeurs ne semblent pas cautionner cette pratique, qui n'est que du vol dédouaner par une pseudo éthique "leave no trace", mais certains pirates sont sans scrupules et sévices au détriment des optimistes ou des visiteurs candides. Un sale coup qui noirci un peu notre séjour à Joshua Tree pour notre dernier jour de grimpe, et m'empêche de savourer l'esprit léger l'enchainement de ma première voie 5.12 trad ici aux Etats-unis !

















